Elle était le dernier membre du collectif des avocats belges du FLN

C’est avec émotion que nous avons appris, il y a quelques jours, la disparition de Maître Cécile Draps. Grande amie de l’Algérie et ardente défenseuse de la cause algérienne, la défunte était membre du collectif des avocats belges du FLN durant la Guerre de libération nationale. Feue Cécile Draps s’est éteinte le mercredi 8 décembre 2021.

Elle avait 89 ans.
 
C’est par le biais de l’historien Paul-Emmanuel Babin qui était proche d’elle, que nous avons appris la nouvelle. Ayant consacré une grande partie de ses travaux au « Front du Nord », autrement dit les réseaux de soutien au peuple algérien en Belgique et au nord de la France, ainsi qu’au « Front judiciaire belge » de défense des militants indépendantistes, Paul-Emmanuel Babin connaît nécessairement le parcours courageux de Cécile Draps qui aura été, signale-t-il, le dernier membre du collectif des avocats belges du FLN pendant la colonisation.
 
D’après une note biographique que le chercheur a mise aimablement à notre disposition, Cécile Draps a vu le jour un 5 juillet. Oui, précisément le 5 juillet 1932. Comme un signe, sa date de naissance est donc celle de l’indépendance de l’Algérie, une terre si chère à son cœur. « Chaque année, elle se réjouissait de fêter son anniversaire en même temps que l’Algérie célébrait son indépendance » écrit Paul-Emmanuel Babin.
 
La jeune Cécile va suivre de « brillantes études de droit » à l’Université Libre de Bruxelles. « Elle obtient de nombreux prix académiques dont le prestigieux prix René Marcq » indique Babin. « Elle est ensuite secrétaire du Jeune Barreau de Bruxelles » ajoute-t-il.
 
Petite subtilité orthographique : Cécile Draps « récusait par principe d’égalité la féminisation du titre d’avocat » fait savoir l’historien. En d’autres termes, elle goûterait peu qu’on écrive « l’avocate Cécile Draps ». Et c’est fort de cette consigne que Paul-Emmanuel Babin note : « Cécile Draps était un avocat de talent. Un talent qui ne se mesurait pas par une réussite matérielle ou par un plan de carrière mais par le fait de mettre toute son intelligence au service d’une cause ». Il poursuit : « Cécile Draps était l’archétype de l’avocat d’une cause qu’elle servait avec un courage évident. A titre d’exemple, en 1960, elle se rend en Algérie afin de remplacer au pied levé sa consœur Nicole Rein laissée pour morte dans un guet-apens tendu par des fonctionnaires de police qui étaient des « ultras » (partisans de l’Algérie française) ». L’universitaire cite une autre anecdote révélatrice de l’engagement sans concession de Me Draps : « Jeune avocat, elle tient tête au président du tribunal militaire de Lille qui est réputé à l’époque comme le « recordman » des condamnations à mort en France. En conséquence, elle s’expose avec son confrère belge Serge Moureaux et son confrère français Michel Zavrian à une interdiction d’exercice, et au refus d’une autorisation de séjour en Algérie renforcée par une interdiction de séjour en France. Elle sera finalement sanctionnée par six mois d’interdiction d’exercice mais l’interdiction du territoire français ne lui sera jamais notifiée. »
 
 
(Sur la photo, Cécile Draps entourée de Omar Boudaoud, Serge Moureaux et Jacques Vergès en 2006. La photo a été confiée à Mustapha Benfodil par l'historien Paul-Emmanuel Babin. Sur l'autre visuel: Cécile Draps avec Serge Moureaux, deux figures emblématiques du Collectif des avocats belges du FLN)
 
Le Collectif des avocats belges du FLN, dont le chef de file était Maître Serge Moureaux décédé le 25 avril 2019, comptait, convient-il de souligner, dans ses rangs les avocats Marc de Kock, André Merchie et Cécile Draps. « Cécile Draps avait mis le pied à l’étrier dans les causes politiques grâce à son confrère belge André Merchie. Par son intermédiaire, elle avait intégré le Collectif des avocats du FLN placé sous la responsabilité d’Ali Haroun qui est alors membre du Comité Fédéral du FLN » précise Paul-Emmanuel Babin dans sa notice biographique. L’historien relaie dans la foulée ce vœu émis par Maître Draps : « De son ami André Merchie, elle disait encore lors de notre dernière conversation qu’elle espérait que l’Histoire de l’Algérie retienne le nom pour son travail irremplaçable dans l’ombre des détentions et des cabinets des juges d’instruction, loin de la lumière de la barre ».
Cécile Draps « était une combattante de la liberté » résume Babin. « Elle avait gardé toute sa vie, comme une blessure profonde, le souvenir d’une exécution à la prison Barberousse à Alger » révèle-t-il. « De manière proportionnellement inverse, quel bonheur pour elle quand son ami Me Arab Ainouz (avocat au barreau de Tizi-Ouzou), sauvé il y a 60 ans de la guillotine, lui avait retéléphoné ces derniers mois. Un bonheur renforcé par le fait d’entendre qu’il était resté intègre, conservant peut-être comme elle, la pureté de l’idéal du temps de la lutte ».
 
Paul-Emmanuel Babin insiste pour dire à quel point Cécile Draps avait l’Algérie chevillée au cœur : « Pour elle, le peuple algérien constituait une source inestimable d’espoir d’un monde meilleur. Au moment de faire ses adieux à Serge Moureaux, elle avait déclaré devant son cercueil « la lutte du peuple algérien continue ». Nous étions alors en avril 2019 dans le contexte du hirak ».
 
En 1962 – affirme encore Babin –, alors qu’elle venait tout juste de fêter ses 30 ans à la proclamation de l’indépendance de l’Algérie, Cécile Draps, en bonne maoïste, quitte la Belgique pour la Chine où elle va collaborer à Radio Pékin International. A ce titre, elle va accueillir un couple mythique: Djamila Bouhired et Jacques Vergès. Qu’elle repose en paix.
 
Article paru dans El Watan du 12 décembre 2021

 

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