Kamel Bouchama a écrit dans son livre De lol à Caesarea à… Cherchell : «Il s’agit de Mohamed Seghir Benlarbey (…), le premier médecin algérien de l’époque coloniale, ami de Victor Hugo, qui s’était investi corps et âme dans la défense des droits inaliénables du peuple algérien, tout en pratiquant admirablement son métier de scientifique et de philanthrope humaniste. Lors de la soutenance de sa thèse de doctorat à l’université Paris-Sorbonne, le 16 juillet 1884, il a interpelé la France coloniale qui se targuait ‘‘d’apporter la lumière dans les Etats barbaresques’’, mais qui ‘’confinait les populations indigènes loin du savoir’’.»

Mohamed Seghir Benlarbey est le premier médecin algérien de l’époque coloniale. Il est né en 1850 à Cherchell. Il commence ses études dans sa ville natale. Il est ensuite scolarisé à Alger dans les écoles primaires créées par Napoléon III uniquement pour les autochtones. C’est à Alger aussi qu’il fait des études secondaires. Benlarbey poursuit ses études supérieures à la faculté de médecine d’Alger et à celle de Paris où il a soutenu sa thèse avec mention «Excellent» en 1884, dans sa tenue traditionnelle et en présence de son ami Victor Hugo.

Lors de la soutenance de sa thèse, le professeur Béclard, doyen de la faculté de médecine de Paris, président de jury, lui avait lancé : « Nous vous rendons aujourd’hui ce que nous avons emprunté à vos aïeux. » (Le doyen parlait de la médecine). Son arrière petit-fils Slimane Benlarbey, professeur d’anglais, la cinquantaine, nous a montré une copie de cette thèse datée du 16 juillet 1884.

Cette thèse fut l’une des premières et rares thèses traduites en arabe, avec les soins de l’imprimerie officielle, par Ali Bouchoucha en 1891 et enregistré sous le n°4256 à Tunis où résidait un des frères de Mohamed Seghir. Un jour, Slimane demanda à son père : «Papa pourquoi les gens nous appellent-ils dar tebib Benlarbey ?» «C’est parce que notre grand-père Mohamed Seghir Benlarbey était médecin», lui répond le père. Slimane, après de longues recherches, retrouve l’acte de décès de son aïeul dans les archives de la mairie d’Alger-Centre, puis sa thèse à la Bibliothèque nationale de Paris et à la Bibliothèque nationale d’Algérie. Le Dr Benlarbey fut un brillant médecin. Il a toujours essayé de rendre service aux Algériens autochtones qui venaient en consultation à son cabinet médical situé à l’actuelle place des Martyrs à Alger. Mais il avait aussi lutté pour sa patrie spoliée et pour ses compatriotes dans d’autres domaines que la médecine.

En 1888, il s’opposa au plan du gouvernement général de l'Algérie, visant à détruire les mosquées de Djemaâ El-Kebir et Djemaâ Djedid, pour construire des hôtels à leur place. En 1891, quand l'Etat français avait essayé de remplacer les «mahkamate» par des tribunaux présidés par des non-musulmans, il s'est trouvé à l'avant-garde d'une révolte des Algériens à tel point que le Parlement français a dégagé une commission d'enquête présidée par Jules Ferry.

Cheikh Abderrahmane Ben Mohamed El Djilali qui a connu personnellement le Dr Mohamed Seghir Benlarbey a parlé de lui (de la page 456 à la page 465) dans son ouvrage en arabe Tarikh El Djazaïr el aâm (L’histoire générale de l’Algérie) réédité en 1994 par l’Office des publications universitaires. Cheikh Abderrahmane El Djilali a rappelé que le Dr Benlarbey est resté fidèle à l’arabité et à l’islam. «Il s’est dévoué pour son pays l’Algérie. Malgré son âge avancé et ses multiples occupations, il assistait avec nous aux cours de notre cheikh Abdelhalim Bensemaya, à la mosquée Djamaâ El Djedid à Alger». Kamel Bouchama, de son côté, a écrit (à la page 223) dans son livre De Lol à Caesarea à… Cherchell (éditions Mille-Feuilles, 2008) : «Il s’agit de Mohamed Seghir Benlarbey (…), le premier médecin algérien de l’époque coloniale, ami de Victor Hugo, qui s’était investi corps et âme dans la défense des droits inaliénables du peuple algérien, tout en pratiquant admirablement son métier de scientifique et de philanthrope humaniste. Lors de la soutenance de sa thèse de doctorat à l’université Paris-Sorbonne, le 16 juillet 1884, il a interpelé la France coloniale qui se targuait ‘‘d’apporter la lumière dans les Etats barbaresques», mais qui ‘‘confinait les populations indigènes loin du savoir’’.»

L’écrivain et ancien ministre poursuit : «Il a eu ce courage de le dire devant un parterre d’érudits, ce que plusieurs autres responsables ne pouvaient dire usant d’un style digne de grands orateurs et d’un vocabulaire très recherché pour convaincre et marquer sa différence, et rappeler son attachement à ses aïeux et leur apport à la science.» Slimane Benlarbey souhaiterait voir la future université de Ben Aknoun baptisé du nom de Mohamed Seghir Benlarbey.

Source: Le Soir d'Algérie - 3 mai 2014

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